Date de tombée: 27 septembre 2020
Nombreux sont les artistes qui s’intéressent au territoire pour produire leurs œuvres. Ils s’en imprègnent, s’y rendent sensibles, et cela a un effet sur toute leur vision du monde. Un échange se développe avec l’endroit où ils s’ancrent, chaque territoire ayant ses particularités : une forêt dense, une autre plus clairsemée, des arbres centenaires qui demeurent petits, une agglomération que jouxte une mine, une région couverte de champs agricoles, une ville résiliente aux intempéries, ou des îles qui s’effritent; tous ces éléments qui orientent nos manières d’habiter les lieux.
Selon le philosophe Baptiste Morizot, les discours écologistes ne peuvent devenir productifs que si l’on retrouve un attachement au territoire et, par le fait même, aux êtres vivants qui le partagent. Le philosophe va jusqu’à décrire, dans L’illisibilité du paysage (2018), une crise de la sensibilité au vivant, avançant qu’il existe actuellement un « appauvrissement de ce que nous pouvons sentir, percevoir, comprendre, et tisser comme relations à l’égard du vivant ». Cet appauvrissement produirait une «réduction de la gamme d’affects, de percepts, et de concepts» qui nous relie aux territoires et minimiserait notre engagement sensible envers la nature. C’est un postulat radical qui bouleverse les hiérarchies du vivant et qui invite par le fait même les artistes à puiser dans l’étude de la nature pour en tirer des significations riches. En décryptant et en interprétant les indices des vivants pour reconnaître leur présence sur un territoire que nous partageons entre espèces, les artistes pourraient révéler « les habitudes de la faune et de la flore, leur manière d’habiter parmi nous », participant à enraciner une appartenance au territoire basée dans une forme d’attention augmentée (Morizot, 2018).
Doit-on envisager une relation au territoire qui s’immiscerait dans nos habitudes, et de quelle manière ces gestes transiteraient-ils à travers l’œuvre d’art? En sémiotique, la texture se crée dans une œuvre selon l’interaction entre le support, la matière et la manière : elle est alors considérée comme une microtopographie formée par une loi de répétition (Beyaert-Geslin, 2008 et Groupe µ, 1992). Pourrait-on considérer des «œuvres-territoires» dont la texture est créée par le rythme des éléments empruntés au paysage? Tout comme c’est la manière dont les plantes poussent qui caractérisent les sols, les vallons et les plaines, c’est en écoutant le chant des oiseaux, en extrayant le minerai du sol, ou en cueillant agenouillés les baies en forêt que nous forgeons des habitudes à partir du territoire. Plusieurs artistes s’engagent désormais dans des démarches qui construisent une relation avec la nature et ses composantes particulières, et au-delà d’une mise en représentation du paysage qui favoriserait un contact distant et passif, ils l’habitent, s’y déplacent et se laissent transformer par leurs interactions avec le vivant. Ils créent à partir de fragments du paysage, transforment ou s’appuient sur les matières premières, matérialisent l’expérience de la nature, portent une attention particulière au vivant, et font advenir des territoires imaginaires.
L’objectif du dossier «En interaction avec le territoire» est d’offrir une discussion sur les pratiques artistiques contemporaines québécoises et canadiennes qui s’attachent au territoire comme pratique. Les propositions pressenties s’intéresseront aux artistes qui font du territoire leur lieu de recherche, qui y puisent pour extraire la texture et la matière de leurs œuvres, ou qui s’y réfèrent pour créer une signification riche. Sur quelles spécificités territoriales s’appuient ces œuvres? Caractérisent-elles l’appartenance et la construction de l’identité qui est sous-jacente aux habitudes que l’on développe à partir du lieu? Quelle est la pensée qui sous-tend certaines pratiques contemporaines s’appuyant sur une attention à l’égard du territoire? Qu’est-ce qui, dans le processus de création même, renouvelle cette relation? Et comment, si c’est le cas, cette problématique remet-elle en question les procédés artistiques à la lueur de l’écologie?
Toutes les soumissions pour le dossier doivent comprendre une proposition de texte en lien avec la thématique, incluant le sujet anticipé et la liste des artistes et des œuvres qui seront étudiés dans le texte (350 mots), trois extraits de textes antérieurs (publiés ou non) ainsi qu’une courte biographie de l’auteur-e (40 mots), et être envoyées à redaction@viedesarts.com avant le 27 septembre 2020. Nous ferons un suivi avec les propositions pressenties et les textes finaux, suivant l’entente préalablement prise avec la rédaction, devront être rendus au courant du mois de janvier 2021.
Rubriques récurrentes du numéro 261 – Hiver 2021
Vie des Arts publie des critiques d’exposition, des profils d’artistes, des brèves actualités et des recensions de livres mettant en valeur les enjeux qui façonnent l’art actuel et son milieu. Consultez notre section Soumettre un article pour en apprendre davantage sur nos rubriques récurrentes.
Toutes les soumissions pour les rubriques récurrentes doivent inclure le sujet anticipé selon la rubrique envisagée, ainsi qu’une description de l’angle critique qui sera utilisé pour la rédaction (250 mots), trois extraits de textes antérieurs (publiés ou non) ainsi qu’une courte biographie de l’auteur-e (40 mots), et être envoyées à redaction@viedesarts.com avant le 27 septembre 2020. Nous ferons un suivi avec les propositions pressenties et les textes finaux, suivant l’entente préalablement prise avec la rédaction, devront être rendus au courant du mois de novembre 2020. Veuillez noter que les propositions d’artistes portant sur leur propre travail ne seront pas considérées.
---
Many artists include territory as an integral part of their works. They immerse themselves in it, become sensitive to it, and it colours their entire vision of the world. An exchange occurs between them and the places in which they root themselves, with each territory having its particular features—a dense forest, a woods with clearings, ancient stunted trees, a town adjacent to a mine, a region covered with farm fields, a city resilient to climatic disasters, or islands that are sinking—that affect how we live in it.
According to philosopher Baptiste Morizot, ecologists’ discourses can be productive only if they include an attachment to the territory, and thus to the beings living there. In L’illisibilité du paysage (2018), Morizot described a crisis of sensitivity to living things, observing that we are suffering from an “impoverishment in what we can feel, perceive, understand, and weave together in relations with the living.” This impoverishment, in Morizot’s view, produces a “reduction in the range of affects, percepts, and concepts” that tie us to territories and minimizes our sensory engagement with nature. This radical premise disrupts hierarchies of living things and, by this very fact, invites artists to undertake a study of nature and draw rich significance from it. By decoding and interpreting clues to living things in order to recognize their presence in a territory that is shared among species, artists may reveal “the habits of fauna and flora, their way of living among us,” helping to root a sense of belonging to the territory based on a form of heightened attention (Morizot, 2018).
Should we envisage a relationship with territory that unsettles our habits, and in what way would these gestures be conveyed through artworks? In semiotics, texture in a work is created from interaction with the support, the material, and the manner; it is then considered a microtopography formed by a law of repetition (Beyaert-Geslin, 2008; Groupe µ, 1992). Could we consider works those whose texture is created by the rhythm of the elements borrowed from the landscape to be territorial? Just as the ways in which plants grow characterize soils, valleys, and plains, it is by listening to bird songs, extracting ores from the ground, and kneeling to gather berries in the forest that we forge habits from the territory. Many artists are now engaging in approaches that build a relationship with nature and its specific components; in contrast to a representation of the landscape that would favour a distant, passive contact, they live in the territory, travel through it, and let themselves be transformed by their interactions with living things. They create from fragments of the landscape, process or base themselves on raw materials, materialize the experience of nature, pay particular attention to the living, and uncover imaginary territories.
The objective of the section “In Interaction with Territory” is to offer a discussion about contemporary Quebec and Canadian artists whose practices are involved with the territory. We are seeking text proposals on artists who make territory their site of research, who draw on it to extract the texture of and material for their works, or who refer to it to create a wealth of meaning. On what territorial specificities are these works based? Do they convey the sense of belonging and construction of identity that underlies habits developed through the place? What is the thought underlying certain contemporary practices based on attention to territory? Which artists, in their very creative process, renew this relationship? And among these artists, how does this issue challenge art processes in the light of ecological concerns?
Submissions for the thematic section must include a proposal related to the theme as well as a list of the artists and works discussed in the text (350 words), three excerpts of texts (published or unpublished), and a short biography (40 words). They should be sent to redaction@viedesarts.com before September 27, 2020. We will contact those whose proposals are chosen. The final texts, following prior agreement with the editor, must be sent in January 2021.
Regular Columns, no 261—Winter 2021
Vie des Arts is looking for exhibition critiques, artist profiles, book reviews and news articles that highlight contemporary issues presently shaping the art world. Submissions should be short and include the subject you want to cover and a brief description of the critical angle you will use.
Submissions for the regular columns must include a proposal related to the theme (250 words), three excerpts of texts (published or unpublished), and a short biography (40 words). They should be sent to redaction@viedesarts.com before September 27, 2020. We will contact those whose proposals are chosen. The final texts, following prior agreement with the editor, must be sent in November 2021. Please note that proposals written by artists about their own work will not be considered.