Cité musicale, Arsenal (Salon Claude Lefebvre)
3 Avenue Ney, Metz, France
Contexte
Ce colloque international repose sur une coopération franco-québécoise déjà initiée qui associe des unités de recherche et des opérateurs culturels. Il s’inscrit dans le projet CRÉALIT (Création croisée arts littéraires, 2019-2021), lauréat du Fonds franco-québécois pour la coopération décentralisée (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, ministère des relations internationales et de la francophonie), qui s’actualise notamment à travers une résidence croisée, incluant la création d’un réseau de création artistique entre la France et le Québec, en fonction de divers partenaires (la ville de Metz désignée «Ville créative dans le domaine de la musique» par l’Unesco, le Centre de recherche sur les médiations/Université de Lorraine, la Cité musicale, le festival Le Livre à Metz, la Maison de la littérature de Québec, l’Institut Canadien de Québec, la ville de Québec désignée «Ville créative dans le domaine de la littérature» par l’Unesco). Le dispositif implique une réflexion sur les formes actuelles de la littérature hors de la page, à travers ses enjeux identitaires et symboliques, tout en privilégiant la circulation des oeuvres artistiques et littéraires francophones.
Problématique
La question des arts littéraires se pose de manière cruciale dans le milieu littéraire québécois et canadien, lequel cherche actuellement à se mobiliser afin de rendre visibles la création, la circulation et la diffusion des oeuvres contemporaines sur le territoire. (https://theconversation.com/au-quebec-et-au-canada-les-arts-litteraires-se-reinventent-113442). Dans ce contexte, il s’impose de s’entendre sur la dénomination évoquée sous cet intitulé émergeant des «arts littéraires». À la suite de certaines expérimentations menées en amont (Bernard Heidsieck, Henri Chopin, William S. Burroughs, Kenneth Goldsmith, l’Oulipo, Jean-Pierre Balpe…) tout autant que dans le sillage des cultures dites populaires croisant très tôt livre et nouveaux médias, ces pratiques mêlent formes performatives, installations et technologies numériques, et posent d’un point de vue conceptuel des difficultés, par leurs diverses ramifications sémantiques inscrites dans l’espace public: «poésie performée», «arts de la parole», «oeuvres transmédiatiques» , «néolittérature».
L’enjeu est bien de penser le contemporain littéraire en lien avec cette démultiplication de pratiques hétérogènes empruntant de multiples formes et supports (lecture dessinée, poésie numérique, feuilletons radiophoniques, vidéo-poèmes, créations sonores immersives ou interactives, spoken word et slam). À travers ces productions, l’objectif recherché, par différents moyens, est de faire participer la littérature, en tant que discipline artistique, à une démarche transdisciplinaire de création, en médiatisant notamment la figure de l’écrivain et son oeuvre. De manière plus générale, cette propension s’inscrit dans le «tournant performatif» touchant à la fois le champ artistique et celui des sciences humaines et sociales (Burke, 2005; Bell, 2008). La littérature quitte le support livresque pour investir l’espace public: de nombreuses créations littéraires infiltrent ainsi la spatialité de la ville, tout en posant aussi la question des «faire avec l’espace», qui rejoint certains enjeux de l’art contemporain (Volvey, 2008). En cela, les arts littéraires sont proches d’une certaine tendance de la littérature contemporaine française qualifiée «hors du livre» par certains chercheurs (Rosenthal, Ruffel, 2010), qui induit un nouveau rapport problématisant la figure de l’écrivain au sein d’une industrie culturelle littéraire prônant le spectaculaire. S’émancipant de la forme canonique du livre, une telle performativité de la littérature demeure néanmoins une réelle prise de risque pour les secteurs où il demeure symboliquement fort: «La littérature a été si longtemps associée au livre que nous avons tendance à nous préoccuper de l’avenir de ce dernier plutôt qu’à interroger la nature du lien instauré il y a cinq siècles entre le texte et son support imprimé. En se libérant de ce lien, la littérature prend le risque de remettre en cause son identité, le risque de se perdre ou de se dissoudre dans la vaste mutation médiatique en cours» (Clément, 2001).
Face à cette mutation de la création littéraire qui interpelle tous les acteurs du milieu (édition, diffusion) se pose la question de l’efficacité du livre en tant que médium soumis à une poétique de la diffraction reconfigurant sans cesse les pratiques dans un monde d'écrans et de réseaux. Par rapport à ce développement sans précédent du performatif, de l’interactif et de l’exposition de la littérature au sein de la culture numérique, on remarque paradoxalement un manque d’analyses critiques concernant les arts littéraires et un dialogue insuffisant entre pratiques du champ restreint et du champ populaire.
Ainsi, afin de contribuer à combler ce manque, le Centre de recherche sur les médiations (Crem, Université de Lorraine), par le biais de son laboratoire hors les murs au sein la Maison de la littérature de Québec, s’associe à l’Université Laval (CRILCQ) et à l’Université du Québec à Montréal (NT2) gérant le partenariat «Littérature québécoise mobile: pratiques littéraires d’écriture et de lecture en contexte numérique (LQM)» dirigé par Bertrand Gervais, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les arts et les littératures numériques.