Becoming Illegible porte à réfléchir aux conditions de lisibilité et de visibilité du visage, du sujet et de la société. Les vidéos produites par Sarah Friend à l’aide de filtres — qui permettent d’apposer des effets sur les images pour les modifier — donnent lieu à des représentations abstraites où la nature et l’humain fusionnent jusqu’à devenir indiscernables, étranges. Ce processus de déformation est ralenti et mis en évidence au fil des vidéos. Métaphore de la médiation technologique, l’artiste invite également les utilisateur·rices à interagir avec l’œuvre en cliquant sur l’icône de l’appareil photo, renversant ainsi leur point de vue: d’observateur·rices à cibles de l’objectif. Becoming Illegible matérialise les tensions et les distorsions de nos rapports avec la nature en plus d’incarner une stratégie de résistance à l’injonction d’être vu et surveillé.
L’artiste tient à remercier Max Bittker pour son travail sur shaderbooth, un environnement de montage «open source» pour l’écriture et le partage d’«œuvres-filtres» (https://shaderbooth.com/).
***
Becoming Illegible reflects on the conditions of legibility and visibility of the face, the subject and society. The videos produced by Sarah Friend using filters — which apply effects to images in order to modify them — give rise to abstract representations in which nature and humans merge until they become indistinguishable and uncanny. This warping process is slowed and highlighted throughout the videos. The work functions as a metaphor for technological mediation, as the artist also invites users to interact with the work by clicking on the camera icon, thus reversing their point of view from the position of the observer to the target of the lens. Becoming Illegible materializes the tensions and distortions of our relationship with nature in addition to embodying a strategy of resistance to being seen and surveilled.
This project launches with many thanks to Max Bittker for his work on shaderbooth, an open source editing environment for writing and sharing face filter artworks (https://shaderbooth.com/).
Becoming Illegible procède d’abord et avant tout par un épuisement de l’image et plus spécifiquement, du portrait. En apposant des filtres faciaux sur les photographies, les visages sont progressivement mêlés aux paysages qui les cadrent et altèrent. Totalement difformes, ils deviennent alors illisibles pour les technologies de reconnaissance faciale. Le titre de l’œuvre («devenir illisible», en français) met d’ailleurs l’emphase sur l’évolution lente de cette déformation de l’image, comme l’atteste l’usage du participe présent. Cette déformation de l’image fait écho à celle de l’identité humaine et de l’environnement, qui s’entremêlent jusqu’à devenir un tout illisible mais homogène. Friend paraît alors réfléchir à leur entrelacement dans le discours écologique et environnemental ou à leur vulnérabilité et à leur altération inévitable et semblable devant les changements climatiques. Enfin, le principe de la saturation ou de la surcharge s’impose également dans l'œuvre. Becoming Illegible retourne la saturation des technologies de surveillance et de leurs regards omniscients - incarnés par les filtres faciaux et rendus visibles lors de l’activation de la caméra par les spectateur·rices - en dénaturant les visages par excès de filtres et de données. Cette surcharge peut être interprétée comme un geste de résistance poétique.