headlines (grands titres) est une exposition de l’artiste karen elaine spencer présentée en 2017 à la galerie ELLEPHANT et composée d’une série de petits canevas de lin sur lesquels sont tracés, dans des couleurs vives, des lettres qui reprennent les grands titres de quotidiens nord-américains et européens.
Affichés aux murs, ces canevas sont accompagnés de grandes boîtes dans lesquelles sont rangés les grands titres de plusieurs journaux, ceux qui ont inspiré les toiles. Chacune de ces boîtes correspond à une journée particulière de l’actualité des deux dernières années et porte un numéro qui la relie à l’un des tableaux de l’exposition.
En récupérant les gros titres, l’artiste fourni une permanence archivistique à cet objet ainsi qu’à son discours.
headlines s’inscrit dans la continuité des précédentes expositions et œuvres de spencer, notamment par son souci de pérenniser ce qui, a priori, ne l’est pas ou peu et par son intérêt marqué pour la question de la trace résiduelle laissée par l’expérience vécue. En 2001, avec Ramblin’ Man, spencer investissait l’espace public en pratiquant la flânerie dans le but de tracer des parcours invisibles qui n’apparaissaient que grâce aux consignations de la performance déambulatoire. Dans Porteur de rêves, cinq ans plus tard, elle enregistrait les rêves de personnes en situation d’itinérance.
La relation qui unit le quotidien au sens journalier et le quotidien au sens journalistique est repris par spencer dans le cadre d’une interrogation qui épuise peut-être le sens de ce mot, mais en fait surtout bouger les paramètres expérientiels. Le quotidien n’est plus ce qui file à toute allure, et que l’on regarde à peine passer, mais ce qui demande un temps d’arrêt, une posture méditative: ce qui doit, potentiellement, être épuisé–mais sans doute aussi être moins épuisant, c’est-à-dire moins effréné.
En effet, les toiles ne sont pas évidentes à déchiffrer: elles obligent le spectateur à prendre du recul, ce qui est contraire au concept d’actualité, pour pouvoir saisir le contenu des œuvres. headlines ne devenant véritablement lisible qu’au moment où le spectateur se fige, interrogateur et statique, devant l’énigme que lui propose chaque tableau, la valeur du journal est subvertie: alors que son usage habituel relève de la consommation immédiate de l’information, il n’acquiert ici sa valeur que dans l’épreuve de la durée.
En ce sens, ce que les toiles de spencer exigent du spectateur est inverse à l’injonction des unes de la grande presse, dont l’impératif est d’être immédiatement lisibles (de paraître, littéralement, non médiées), de livrer les informations avec un degré maximal de transparence et d’instantanéité. Le présent est alors rendu à sa densité par headlines.
Les manchettes choisies sont porteuses d’un commentaire social qui est redoublé par l’impossibilité d’une lecture littéralement trop près du texte. En faisant référence à des fusillades, des assassinats, etc., spencer nous demande aussi de prendre, pour aborder le drame, le temps long de la réflexion.
Quant aux boîtes d’archivage dans lesquelles sont rangés les articles, elles sont spécialement conçues pour favoriser la préservation du papier journal, et donc, comme l’artiste le souligne elle-même, pour ralentir la marche du temps. La conservation de ces journées, comme encapsulées, oblige le spectateur à porter en lui ces informations qui ne sont pas usuellement destinées à résister au passage du temps.
i am addicted to news.
first thing in the morning i open my laptop and surf the sites of le devoir, le monde, and the guardian. then i go to the new york times. i scan the headlines, click on stories, look for updates, read. after my morning fix of coffee i head out to the studio stopping to buy a newspaper from the local corner newsstand. once at my studio i turn on cbc radio one. the news is my constant companion.
the newspaper i bought at the newsstand serves as the source for the headline i will map onto a grid and transcribe using acrylic paint on linen. to counter the frenetic pace of the news the method of transcribing the headlines is slow and laborious. first the linen is stretched onto a frame, then a grid is penciled onto the linen, acrylic paint is applied following the weft and warp of the weave with the area left unpainted revealing the letter. this labour intensive approach slows down the process of “writing” and this slowing down is transmitted to the receiver of the works.
“headlines” fixes a moment in time and insists on this moment as something of value – time is “pinned down” and reflects back to us these moments of our shared passage.
while at the symposium in baie-saint-paul (2015) i came to understand the work could be received differently depending on the perspective of the person viewing. from an abstract painting, to a series of symbols, a text, and finally, a complete deciphering of the headline in question. each mode of apprehension uncovered a different relation to the work. some people would move through all the modes of reception while others preferred to rest with seeing the work as an abstraction. there is no right or wrong way, however for me, chronicling the headlines is a way to reflect back to ourselves where we have been.
all the “headlines” are from a paper newspaper and each paper is kept. there is something satisfying about a newspaper held in the hand, the act of smoothing the paper out flat, the turning of the pages and reading the full story. these hardcopy newspapers and the paintings belong together. both require a sustained attention and both assume a physical presence in the world.