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I'm your man
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Avec la récente disparition du célèbre poète à la guitare, Léonard Cohen, le Musée d’Art contemporain (MAC) de Montréal présente une exposition, hommage au monument québécois: «Léonard Cohen, une brèche en toute chose/ A crack in everything».

A travers les immenses salles du bâtiment, le visiteur rencontre une étonnante variété d’œuvres issues de domaines multidisciplinaires, à la fois inattendues et bouleversantes. Jusqu’à finir par trouver, dans l’obscurité d’un hall d’exposition, l’installation hypermédiatique de Candice Breitz, intitulée «I’m your man.»

D’abord, une curieuse vidéo et un banc placé devant elle, séparés du reste de l’installation par un rideau. 9 hommes, vêtus de noir, une partition à la main, attentifs aux indications de leur chef de chœur, soutiennent de leurs voix les airs de l’album de Cohen, «I’m your man». Indistinctement, on entend d’autres chants, derrière le rideau, qui interprètent le morceau en son intégralité.

Alors, on franchit l’étrange corridor et l’on se retrouve au sein d’un cercle illuminé par 18 écrans, placés à égale distance les uns des autres, à la verticale, support d’une image à taille quasi-humaine. Les 18 hommes représentés, devant leur rideau rouge, tantôt fredonnent timidement, tantôt s’emportent de par leurs gestes, debout, assis, regard caméra ou yeux fermés, jambes tressaillantes ou mains rejointes: tous interprètent, se réapproprient les chansons du fameux disque.

Étrange réunion de fans, venus célébrer l’idole Cohen, dont la reprise devient œuvre. L’album «I’m your man» datant de 1988, reprend vie sous ces nouvelles voix, cet enregistrement inédit, en un adieu à capella, viril et sensible, célébrant la poésie et la musique.

 

Relation au projet: 

Décelons une triple tentative d’épuisement.

La reprise des chansons traduit une réappropriation des textes qui se rejouent, se manient par de nouvelles subjectivités qui s’emparent du texte et l’étirent, le ralentissent, le complexifient, le ratent, le transforment… Les différents cover couplés au chœur deviennent à eux seuls (si l’on s’approche d’un écran en particulier), ou écoutés ensemble, un nouvel univers musical dont l’inspiration, bien que commune, engendre pourtant un résultat distinct de l’œuvre première.

La multiplication des intervenants, au nombre de 18, semble pouvoir s’interpréter comme un essai d’épanchement des corps de représentations, dont l’intérêt serait de développer une surabondance de sons. En effet, lorsque l’on se trouve au centre du cercle, difficile de comprendre d’où les voix s’émettent précisément. L’effet stéréo engendre l’impression d’un enveloppement de soi par la sonorité de l’œuvre.

Et, plus largement, une tentative d’épuisement peut se déceler dans la totalité de l’exposition sur Cohen: le florilèges de créations de nouvelles œuvres autour de l’artiste montréalais, l’imaginaire renouvelé sur la conception de cet idole dont le travail se voit prolongé, réécrit, réinterprété… témoigne d’une pulsion commune des créateurs québécois d’approfondir une recherche artistique essentiellement portée sur un seul personnage, et pas des moindres, dont l’exploration de l’héritage semble infinie.


I’m Your Man (A Portrait of Leonard Cohen), 2017 [TRAILER] from Candice Breitz on Vimeo.

Discours / Notes: 

L’oeuvre phare, le clou de l’exposition, est sans doute l’installation réalisée à Montréal par la Sud-Africaine Candice Breitz. I’m Your Man (A Portrait of Leonard Cohen) rassemble virtuellement un choeur d’hommes — des professionnels — et une communauté de fans (que des hommes aussi) autour de l’interprétation de chaque titre de l’album I’m Your Man.

L’étude anthropologique de cette oeuvre, une approche que Breitz avait déjà appliquée pour des hommages à Marley et à Lennon, possède ses moments de grande intensité. L’artiste prend soin d’éliminer toute fioriture — les interprètes chantent a cappella —, donnant aux textes leur simple humanité. Leur singularité, sur les traits de chaque individu.
(Le Devoir, En communion avec l’immortel Cohen, Jerôme Delgado, 9 novembre 2017.)