Collage
Peinture
Moby Dick in Pictures: One Drawing for Every Page
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Moby Dick in Pictures: One Drawing for Every Page est une réécriture visuelle du classique d’Herman Melville, Moby Dick. Pendant 552 jours consécutifs, soit le nombre de pages que comporte le texte original dans la Signet Classics Paperback Edition, Matt Kish crée une illustration qui correspond au texte de la page qu’il reproduit en procédant de manière linéaire, respectant l’ordre d’origine. Installé dans le cagibi d’un appartement partagé, il procède ainsi pendant près de deux ans, jusqu’à ce qu’il ait illustré chaque page de l’ouvrage.

Souvent tracés au simple stylo-bille ou au crayon à l’encre de couleur criarde, les dessins de Kish recouvrent des supports de toutes sortes, souvent difficiles à identifier: ce sont parfois de vieilles factures, parfois des pages arrachées d’un recueil de fiction ou d’un formulaire quelconque que le lecteur peine à reconnaître. D’autres fois encore on croit discerner des cartes ou des schémas qui rappellent les manuels d’assemblage IKÉA. Kish regroupe l’ensemble de ces supports hétérogènes sous l’appellation de «found paper», privant son lecteur de toute possibilité de retracer l’origine de chaque papier recouvert par ses images. Il témoigne par-là, dit-il, d’une volonté de rendre hommage au texte qu’il illustre: «Melville’s book is so densely, deeply, and at times confusingly layered with narrative and symbolism that I wanted to mirror that structure in the art I was making.» (Kish, 2011, p. ix)

 

Relation au projet: 

Cette oeuvre constitue une tentative d'épuisement par l'image du roman Moby Dick (et donc d'un objet).

Chaque dessin est accompagné, en vignette du numéro de la page d’origine auquel il correspond ainsi que d’une citation qui en est extraite et qui lance alors le lecteur sur la piste du récit de Melville dont il essaie de restituer la cohérence à partir des fragments lui étant distillés. Chaque illustration est également accolée à sa date de production pour que le lecteur puisse suivre, en même temps que celui qu’effectue Ishmael sur les mers, le périple de Kish à travers ce roman fleuve du XIXe siècle. «I wanted to see how my art would change during the year-and-a-half-long journey.» (Kish, 2011, p. ix): de l’aveu de Kish lui-même, qui confesse à son lectorat son obsession de longue date pour Moby Dick, dont il tente de s’approprier l’imagerie, la figure de l’artiste se superpose, dans sa démarche, à celle du narrateur de l’œuvre, mais aussi à celle du Capitaine Achab. Happé par le texte – ou son absence partielle, en l’occurrence –, le lecteur se transforme lui aussi en chasseur acharné des signes en tentant de dépister les traces résiduelles des mots et de l’imagerie melvillienne à travers les illustrations de Kish.

En ce sens il y a à la fois exhaustion d'un objet mais aussi du lecteur, épuisé par son activité de dépistage et de reconstitution. Le travail quotidien de Kish, qui publie ses dessins au jour de jour et qui s'est donné pour contrainte de produire une illustration par page mais aussi une illustration tous les vingt-quatre heures, relève d'un rapport au présent et à son archivage. Sans être diaristique, l’œuvre tient partiellement, du journal intime dans la mesure où cette préoccupation pour le quotidien et sa recension exhaustive témoignent d’un effort d’épuisement.

L’artiste visuel se transforme aussi en archiviste: le simple fait de dessiner sur des papiers récoltés lors d’une époque précise et révolue permet l’archivage d’un temps, l’archéologie d’une époque passée et de ses discours.

Entrée de carnet

De nombreuses œuvres populaires contemporaines tendent à aplanir les frontières entre les différentes fictions de manière à les regrouper en ce seul monde.

Lapointe, André-Philippe