Supersize Me est un film documentaire écrit, réalisé et mis en scène par Morgan Spurlock, un acteur, réalisateur et scénariste américain. Sorti en 2004, le film se veut une expérience menée sur lui-même. Il est réalisé sous la forme d’un documentaire qui n’a pas la prétention de révolutionner le genre mais d'en utiliser les techniques. On suit Morgan Spurlock, sujet de l'expérience, filmé durant un mois au cours duquel il se nourrit de produits McDonald’s dans le but de montrer à quel point la nourriture qui y est vendue est néfaste pour la santé.
L’expérience est régie par les cinq règles suivantes:
-manger trois repas chez McDonald’s;
-essayer chaque plat du menu au moins une fois;
-ne manger que les aliments sur le menu;
-prendre l’option «supersize» chaque fois qu’on la lui propose;
-marcher comme un américain typique, c’est-à-dire 5000 pas par jour.
Une caméra filme Morgan avant le début de l’expérience, alors qu’il organise un suivi médical avec des médecins, une nutritionniste, etc., qui évoquent les risques et conséquences possibles d’un tel régime alimentaire. De la même manière, Morgan est continuellement filmé durant l’expérience bien que seules les scènes intéressantes soient gardées au montage. On retrouve les scènes de ses premiers repas «McDo» durant lesquelles on le voit souffrir à ingurgiter autant de nourriture et vomir. Les ellipses permettent d’observer la dégradation de sa santé au fil du mois. Son corps a du mal à supporter la quantité de nourriture avalée et sa qualité de vie se dégrade. Son humeur est à la baisse, son énergie également. Son impression d’être diminué est confirmée par les entrevues avec le personnel médical ou sa femme. Ses bilans de santé se détériorent: son taux de cholestérol, son taux de sucre, etc. L'expérience se poursuit jusqu’à ce que les médecins avertissent Morgan de la dangerosité de son entreprise et du risque de mort. En effet, à la fin du mois, l'acteur et réalisateur souffre de points au coeur. Malgré les risques, l'expérience est menée à terme et les résultats montrent qu’effectivement, la nourriture produite par la restauration rapide est mauvaise pour la santé.
Dans Supersize Me, Morgan Spurlock pratique un épuisement du corps à travers l’ingestion de quantités considérables de nourriture. Il va même jusqu’à vomir parce que son estomac ne peut en contenir plus. Il atteint ainsi les limites de son corps. Morgan le fait à la fois sur une courte durée, celle d’un repas «McDo», mais aussi sur un mois complet. Il sature son corps jusqu’aux limites du supportable. A la fin du mois, il déclare devant la caméra avoir des points au cœur qui l’obligent à se rendre à l’hopital. On est en présence d'une exploration des limites de son corps, à court et à moyen terme. De la même manière, Morgan témoigne de sa situation tout au long de l’expérience. Il tient un discours sur son corps qui se veut le plus détaillé possible. C’est la raison pour laquelle l’essentiel du film est composé de scènes d’interview où ses médecins, sa femme ou lui-même prennent la parole et émettent des observations, des opinions, etc. Ainsi, Morgan décrit dans ses témoignages ce qui a changé dans son corps depuis le début de l’expérience, allant jusqu’à rapporter les changements dans sa vie sexuelle, ainsi que ses baisses d'énergie et ses changements d'humeur. Il tente d’être le plus exhaustif possible, même si le format du film propose une fausse exhaustivité, car il n’a en tout et pour tout que 98 minutes pour documenter son expérience.
Le caractère systématique de la démarche est subordonné à une rhétorique anti-McDonald's. La narration s'éloigne progressivement de l'expérience elle-même pour exploiter l’impact néfaste de la compagnie non pas tant sur la santé d’un seul individu, Morgan, que sur la santé publique. Et l’on quitte les effets immédiats de la malbouffe sur le corps du réalisateur pour rejoindre le problème général que pose la restauration rapide aux États-Unis. Le propos du film se veut en fait encore plus exhaustif que l’expérience à sa base. Ainsi, sont évoqués à la fois les problèmes dans les écoles, l’éducation alimentaire, l’emprise des lobbys sur les lois, ainsi que les tabous sur l'alimentation des américains. Le documentaire cherche à faire le tour du «problème» McDonald’s aux Etats-Unis, faisant témoigner des porte-paroles, des avocats, des détracteurs, mais aussi de simples clients de McDonald’s qui vont y manger tous les jours. Des micros-trottoirs présentent différentes opinions sur McDonald's. Le documentaire se détache de l’expérience en elle-même de Morgan Spurlock pour devenir une plaidoyer complet contre McDonalds. Son expérience devient un argument dans une plaidoirie, preuve déclinée sur un plan individuel, tandis que l’enquête contre McDonald's se déploie à l'échelle nationale.
Comme si pour lutter contre cette compagnie qui semble être devenue un «tout», il fallait se montrer le plus convaincant et exhaustif possible.