Tyché est une pièce mixte pour clarinette et électronique en temps réel, composée par João Svidzinski, et créée à la MSH Paris Nord le 29 juin 2016 par Camille Fauvet. Le nom Tyché vient de la déesse grecque éponyme, déesse de la fortune. Ce choix de titre représente le caractère instable de la pièce, cher au compositeur.
Pour l’écriture du noyau de la partie électronique de cette pièce, João Svidzinski utilise le langage Faust, qu’il utilise comme “moteur sonore” et qui génère des harmoniseurs en chaîne, ainsi que de la synthèse granulaire.
Des échantillons de clarinette enregistrés et composés au préalable sont déclenchés par l’électronique en fonction du jeu de l’instrumentiste, grâce à un algorithme contenu dans un objet. Quant à l’écriture instrumentale de cette pièce, elle est basée sur des jeux de multiphoniques, et est le fruit d’un travail conséquent avec l’interprète, dans une démarche d’interprétation participative de la part de la clarinettiste.
Plus qu’une tentative d’épuisement, Tyché se veut être une tentative de réappropriation, de réadaptation d’un objet numérique déjà existant, d’une idée de code. En effet, pour cette pièce, João Svidzinski a fait appel au code Faust présent et mis à disposition de tous par Alain Bonardi, dans sa pièce pour piano et électronique, Pianotronics 3.
Ce code Faust est hébergé par un patch Max/MSP qu’il a également compilé et grâce auquel il fait varier des paramètres dans le domaine fréquentiel du son, à l’aide de descripteurs audio. C’est en jouant avec ces variables, comme l’on jouerait avec des manettes, que le compositeur a réellement écrit sa pièce et a articulé les interactions entre instrument et électronique.
Toutefois, l’électronique, dans les compositions de João Svidzinski, n’est jamais entièrement fixé, en ce que le compositeur aime en “faire émerger les sons”. Autrement dit, sa façon de programmer, qui est par ailleurs issue de la composition orientée objet, est flexible et donne beaucoup de liberté au son, c’est-à-dire que le dispositif électronique ne réagira jamais deux fois exactement de la même façon au jeu de l’instrumentiste. Selon ce principe, la pièce participe d’un imaginaire de l’impossible exhaustivité en ce que sa logique combinatoire produit toujours de nouveaux résultats.
D’autre part, cette pièce est également née d’une réflexion préalable, d’une ébauche de patch déjà réalisée par João Svidzinski, pour une pièce pour saxophone cette fois, Taurus. Ainsi, le compositeur a repris des patches, les a adaptés au contexte de Tyché, pour créer une nouvelle pièce.
De la même façon que les deux pièces Fil de Soi, d’Alain Bonardi, Tyché et Taurus ont la même électronique, mais celle-ci est pensée et utilisée de façon si différente que le résultat sonore de chacune de ces pièces est singulier, ainsi que leurs significations respectives.
Les objets composés créés par João Svidzinski peuvent être modifiés intrinsèquement, c’est-à-dire que le code qui les compose peut être recompilé. Le compositeur parle d’ «émulation d’objets opératoires». Ces objets sont mutables, dynamiques. Ils encapsulent des fonctions et interagissent avec d’autres objets. Selon le compositeur, dans ce patch, «tout est dynamique, tout est adaptable».
«Mon travail c’est le contraire de l’épuisement.» João Svidzinski