L’idée d’une monstruosité de l’archive est empruntée à Pierre Nora qui parlait de l’événement-monstre dans un texte paru dans la revue Communications, en 1972, dans lequel il déplorait la surproduction événementielle par les médias. À son tour, l’ordinateur aurait-il rendu l’archive monstrueuse, au même titre que les médias de masse ont fait de l’histoire une agression, et rendu l’évènement monstrueux (Nora, 1972)? L’archive-monstre déplace l’espace et la temporalité de ce qu’on considère être des prérogatives de l’archive: autorité et hégémonie. Ce sont des archives monstrueuses non pas parce qu’elles sont insaisissables à leur échelle, mais parce qu’elles prétendent pouvoir englober la totalité de la planète ou du savoir et rendre cette totalité immédiatement accessible à l’écran. Donnons pour exemples les projets d’archiver le monde entier (Google Earth et Google Street View) ou encore tout le savoir écrit du monde (Google Books). Le numérique entraine également l’archive sur une voie paradoxale. Si l’une des caractéristiques de l’archive numérique est la vitesse à laquelle elle prend de l’expansion et accumule des données, au point d’une surcharge, une autre en est sa précarité, la facilité avec laquelle elle peut être effacée ou écrasée par de nouvelles entrées.