A Thousand Cuts est une œuvre vidéo installative de B.G-Osborne créée en 2018. Elle a été présentée en février 2021 à la galerie Centrale Powerhouse, après qu’elle ait été retirée des fenêtres de la New Gallery’s +15 suite à des plaintes du voisinage pour nudité et langage inapproprié.
Le projet, diffusé simultanément sur trois écrans, donne à voir des scènes cinématographiques et télévisuelles lors desquelles des personnes cisgenre performent les rôles de personnes trans. Allant de la moquerie grivoise au dégoût profond, le montage fait état de la transphobie que génèrent et entretiennent les représentations médiatiques, tout en soulignant la systématicité du problème qu’est l’octroi de ces rôles à des acteur.rices cisgenres (ce qui prive les acteur.rice trans d’un accès aux plateaux déjà difficile, en plus de reconduire l’idée que la transidentité est au mieux une activité de déguisement dont il est autorisé de se moquer, et au pire une imposture identitaire).
En plaçant en confrontation ces extraits avec une imposante liste reprenant les noms de personnes trans assassinées entre 2016 et 2020, crimes que recense dans son rapport annuel le site «Trans Respect Versus Transphobia Worldwide», l’œuvre met en rapport les représentations stéréotypées et pathologisante de la transidentité dans la culture avec la violence qui continue de s’abattre sur les individus trans, au quotidien.
Deux archives sont ici mises en relation afin de produire un commentaire critique, éthique, politique: l’archive du cinéma occidental et de ses représentations nocives de la transidentité, et celles des meurtres (rapportés) de personnes trans.
Les extraits qui ont servi à constituer le montage sont tirés d’un total de 48 films, 34 séries télé et un vidéoclip, et l’ensemble du matériel vidéo s’étend sur une période historique allant de 1953 à 2015.
Cette importante quantité de documents vidéographiques, ainsi que la manière dont ils sont présentés aux spectateur.rices, suscite une impression d’exhaustivité et d’épuisement. On se perd dans l’accumulation vertigineuse des références cinématographiques, qui font écho à notre propre construction spectatorielle (voire à la formation de notre cis gaze, pour reprendre la formule de Laura Mulvey sur le male gaze, mot qui sert à décrire la façon dans l'économie visuelle des représentations nous installe systématiquement dans la posture de l'homme hétérosexuel). En contrepartie, les noms de chaque personne tuée demandent un temps d’arrêt, et la liste, même si elle participe aussi du vertige, n’a plus pour effet de provoquer une accélération mais plutôt un ralentissement du regard et de la réflexion.
Les milliers de coupures auxquelles font référence le titre sont celles qu’a dû opérer l’artiste sur les films d’origine, mais aussi la blessure qu’infligent à répétition les extraits à ceux qu'elle prétend représenter. L’artiste, en entrevue, révèle d’ailleurs que le titre est inspiré de l’expression «death by a thousand cuts», qui renvoie au processus lent et cumulatif par lequel les expériences négatives s’accumulent jusqu’au point de destruction.
Pour Osborne, A Thousand Cuts est le fruit d'un processus toujours en cours, qui a pour objectif de s'inscrire éventuellement dans un projet plus large.
Dear viewers,
It has been brought to my attention that there have been several complaints against my video work due to “cursing and nudity”. Rather than re-edit and censor my work to comfort certain viewers who are offended by the very banal acts of swearing and non-sexual nudity, I have decided to remove the piece from the space entirely. It is ironic that a video compilation that highlights the far-too-common act of cisgender actors being permitted and feeling entitled to play trans characters in film and television, is too offensive when looked at through a critical/ trans-lens. The entire work is meant to be offensive, but several individuals have chosen to fixate on cursing and one brief scene of nudity. If you are cisgender and you were offended by this work: think about why you were offended. Are you trying to protect your children from what you perceive to be vulgar representations of bodies? Are you comfortable with the violence that is perpetuated against trans people, but offended by five or six swear words (that your children have already heard) and a flaccid penis? If you cannot accept seeing a penis on a woman in a movie (even though the actor is a cisgender woman with a prosthetic)- think about the other types of transphobia you might perpetuate in your daily routines. To me, it seems you are afraid of the questions this video will raise in the minds of your children, or in yourself.
To Arts Commons: I implore you to deal with complaints against challenging art work (especially when the content deals with marginalized communities and bodies) in a more constructive way, rather than shutting down a conversation before it can begin. Trans people are still being murdered at a seriously alarming rate, misrepresentation will continue to happen in mainstream media, we will try to take back our image and tell our own stories, cisgender people will keep being offended, and we will keep fighting.
Deeply disappointed, but not surprised,
B.G-Osborne