Exposition
Performance
Photographie
Capture
Auteur·e·s de la fiche: 

Pour Capture, l’artiste et hacker italien Paolo Cirio a réuni puis diffusé environ 4000 photos de policiers et gendarmes français qu’il a pu obtenir grâce aux logiciels de reconnaissance faciale. Les images ont ensuite été imprimées par l’artiste et placardées à travers la ville de Paris en guise de protestation contre les dispositifs de surveillance déployés par les forces de l’ordre. L’ensemble des photographies a été récupéré sur Internet ou auprès de journalistes et prises lors de manifestations en France (un pays réputé pour faire un usage intensif de ces outils) de entre 2014 et 2020.

Polymorphe et multi-support, Capture proposait initialement aux internautes d’identifier les policiers qu’ils reconnaissaient sur les images, notamment en renseignant la communauté sur leur nom. Une exposition à Le Fresnoy était également prévue en octobre 2020, mais le site ainsi que cet événement ont été fermés et annulés en raison du tollé provoqué dans les médias, ainsi que de la vive réaction négative du gouvernement français (notamment au sein du ministère de l’intérieur et du syndicat Alliance Police). L’œuvre, initialement conçue comme une performance collaborative et évolutive, a ainsi dû limiter une partie de ses ambitions participatives sous la menace de poursuites juridiques.

Ce qui est considéré comme une grave violation de la vie privée par le ministre Gérald Darmanin n’est en fait que le retournement des tactiques de surveillance de la population, ici utilisées contre ceux qui d’ordinaire les manipulent. De l’aveu de l’artiste, l’objectif de Capture est moins de mener une charge directe contre la police et contre les violences policières, même si ces thèmes sont au cœur de l’œuvre, que de rendre visible à quel point ces outils répressifs dépassent ceux qui les emploient et deviennent, en définitive, dangereux pour l’idée et l’exercice de la démocratie elle-même.

Relation au projet: 

De toute évidence, Capture constitue une archive de la violence policière et des tactiques de répression étatiques dans lesquelles ces dernières s’inscrivent. L’œuvre dépasse ou surpasse cependant cet objectif dans la mesure où elle ne donne pas à voir ces violences, mais les individus par qui elle se déploient, et qui, comme le signalait déjà Foucault en 1975 dans Surveiller et Punir, sont invisibilisés de manière protectrice par l’écran du pouvoir qu’ils servent à maintenir. L’archive produite par Cirio est, en quelque sorte, une collection de l’inarchivé, ou encore une collection d’archiveurs dans la mesure où ceux qui sont montrés sont ceux auxquels bénéficie généralement la reconnaissance faciale.

Les logiciels de reconnaissance faciale produisent quotidiennement des archives des activités et de l’activisme des citoyens, et l’œuvre de Cirio ne fait que reprendre à son compte le mécanisme de collecte en le retournant contre ses usagers habituels. C’est dans cette mesure que Capture est aussi une contrarchive (peut-être au sens où l’entend Emmanuel Bouju, c’est-à-dire une pratique «de destitution des modalités d'interprétation de l'histoire héritées de la tradition» (2019) qui vient ébranler le récit national d’une violence justifiée, voire nécessaire.

C’est bien du présent que nous parle Capture, non seulement parce qu’il s’agit d’une œuvre éminemment inscrite dans le contexte politique qui la rend possible, mais aussi car ses aspirations collaboratives, quoique contrecarrées, en font dès le départ une œuvre soucieuse d’évoluer en temps réel pour coller au plus près de son sujet.

Discours / Notes: 

The series of photos Capture is composed of French police officers’ faces. The artist, Paolo Cirio collected 1000 public images of police in photos taken during protests in France and processed them with Facial Recognition software. Cirio then created an online platform with a database of the resulting 4000 faces of police officers to crowdsource their identification by name. Cirio also printed the officers’ headshots as street art posters and posted them throughout Paris to expose them in the public space. Capture comments on the potential uses and misuses of Facial Recognition and Artificial Intelligence by questioning the asymmetry of power at play. The lack of privacy regulations of such technology eventually turns against the same authorities that urge the use of it. Ultimately, as an activist, Cirio introduced a campaign to ban Facial Recognition technology in all of Europe by organizing a petition in collaboration with privacy organizations.