Hyperfiction
Installation
Oeuvre hypermédiatique
Osmose
Auteur·e·s de la fiche: 

Installée en 1995, Osmose est une oeuvre qui a vu passer, à sa première année seulement, plus de 25 000 spectateurs. De plus, depuis 2002, celle-ci est accessible sur PC. Gagnante de deux prix en 1996 pour la meilleur expérience de réalité virtuelle, celle-ci a déjà fait figure de proue dans le domaine de la réalité reproduite. L'appareillage se fait grâce à un casque-écran, qui permet de regarder selon une perspective de 360 degrés, et une veste, qui perçoit les mouvements du corps. Les sons se déplacent en fonction des mouvements qui sont effectués par le spectateur, contribuant à l'effet de tridimensionnalité. La technologie meût alors l'univers autour de l'immergé qui se retrouve entraîné dans le parcours. Il y a différents mondes: la forêt, la montagne, les nuages, la grotte, etc., et cela prend généralement une dizaine de minutes avant de tous les parcourir. Les changements d'univers se font à partir d'une interface en trois dimensions qui permet au participant de sélectionner l'univers dans lequel il désire se rendre. Parmi les différents endroit qu'il est possible de visiter, il y a aussi une strate inférieure qui donne à voir les codes de programmation de l'oeuvre, ainsi qu'une superstrate qui expose des citations de Char Davies et d'articles scientifiques sur les rapports entre la nature, le corps et la technologie. Il est alors possible de naviguer au travers de ces textes comme s'ils étaient des espaces en soi. Le programme dévoile donc sa véritable nature au participant sans que cela n'inquiète, puisque le but de la simulation est justement de faire disparaitre les frontières. D'ailleurs, le passage d'un univers à un autre se fait lentement et subtilement, comme si le programme voulait contribuer à la sérénité de celui-ci, le rendre non seulement crédible mais normal. L'idée qu'il n'existe plus d'empêchements ou de limites provoque un retour sur soi-même, puisqu'il met en phase l'intérieur du corps avec l'environnement extérieur. Avec une sorte de romantisme, une âme-paysage nait du rapport harmonique existant entre l'exercice de respiration et d'équilibre, et le fait que cela permette le déplacement dans les lieux virtuels. La simulation prend alors la forme d'un rêve plus que d'une reproduction de la réalité, et c'est cette approche unique de la frontière qui contribue à en faire expérience crédible. 

Relation au projet: 

Osmose fut l'une des premières oeuvres d'immersion à n'utiliser aucune manette ou console, aucun bouton pour permettre le déplacement au sein de son environnement. À sa manière, cette oeuvre tente d'épuiser le rapport, voire la frontière qui existe entre le corps et l'univers, qu'il soit virtuel ou réel. En effet, plutôt que simuler des lieux, ce dispositif cherche systématiquement àfaire oublier tout ce qui pourrait provenir de l'extérieur, y compris d'une certaine forme de textures qui donnerait à penser une solidité des choses, au profit du sentiment produit lorsque nous bougeons dans l'espace. Pour ce faire, celle-ci ne donne pas à voir une matière solide, elle se contente de la suggérer. L'objectif n'est donc pas de déployer un monde réaliste. Char Davies préfère entrenir une sensation de vide autour de ceux qui en font l'expérience. L'atmosphère qui entoure le sujet est celle d'une absence, qui se transmute alors en ouverture pour le corps. C'est sur cette impression d'ouverture que le dispositif s'appuie afin de faire oublier le corps et le monde réel du participant. Toute matière est semi-translucide et évanescente, et répond à cet impératif. Le déplacement sur le terrain s'effectue simplement grâce à la respiration et aux subtils changements d'équilibre, ce qui provoque une sorte d'état méditatif chez l'immergé. Cela accentue son détachement envers le monde réel et contribue grandement à sa crédulité. Le temps devient alors flottant pendant ce séjour où tout semble à la fois si loin et si accessible. Le temps n'a aucune prise sur ce qui est projeté, il ne subsiste dès lors qu'un pur sentiment d'"être au monde". C'est face à un présent sans faille que se retrouve le spectateur et, n'eût été de la durée systématique de quinze minutes de l'expérience, qui sait jusqu'à quel point la notion de temporalité disparaitrait. À l'inverse de la plupart des autres technologies d'immersion, ce programme n'est donc pas pensé en termes de substition du réel, mais vraiment comme un épuisement des frontières entre les régions. Ce n'est pas une uchronie ou une utopie, mais véritablement une synchronie, une osmose avec l'environnement. C'est donc par cet épuisement systématique de l'espace cartesien au profit d'un sentiment d'ouverture dans le monde que cette oeuvre peut s'inscrire dans le projet.