I.C.U. (Intensive Care Unit) par Bill Vorn

Date de publication: 
27 février 2022

Du 19 novembre 2021 au 13 février 2022, l’Arsenal art contemporain de Montréal accueillait la 5e édition de la Biennale internationale d’art numérique (BIAN), organisée par ELEKTRA – «organisme diffuseur d'œuvres et d'artistes qui allient création artistique contemporaine et nouvelles technologies, et s'inscrivent dans les esthétiques actuelles de recherche et d'expérimentation[1]». Pour ouvrir la réflexion sur les changements amenés par la situation pandémique actuelle, les organisateurs ont arrêté leur choix sur le thème de la métamorphose. METAMORPHOSIS a vu le jour grâce à une quinzaine d’artistes et de collectifs locaux et internationaux – dont un nombre important originaire de l’Asie de l’Est, région à l’honneur pour cette édition.

 

Parmi les œuvres se trouvait I.C.U. (Intensive Care Unit) de l’artiste montréalais Bill Vorn. L’installation est constituée de quatre robots alités qui se meuvent lorsqu’un visiteur approche. Branchés sur des moniteurs de signes vitaux, les robots s’étirent avec difficulté et douleur. L’œuvre est la seule de l’exposition qui occupe une pièce complète, cette disposition permet d’entrer dans l’univers mis en scène par Vorn en oubliant le monde extérieur qui l’entoure. Alors que l’endroit est plongé dans le noir, les seules lumières proviennent de néons au-dessus de chacun des robots, le regard du visiteur est donc rapidement dirigé vers ceux-ci et il n’a pas le choix de s’approcher pour mieux voir. Au moment où il est suffisamment près, des capteurs de mouvements permettent l’activation du corps robotique, créant ainsi un effet de surprise. Il est alors possible d’observer combien l’équipement médical maintenant le robot «en vie» semble aussi l’alourdir, lui rendre difficile le moindre mouvement résultant en une pauvre «qualité de vie» qui doit peser sur l’état psychologique. L’imposition de telles conditions de souffrances, normalement réservées à l’humain, à des objets résulte en une impressionnante anthropomorphisation qui éveille un étrange sentiment d’identification et, par le fait même, d’empathie chez le spectateur. L’œuvre met aussi en scène l’aliénation face à la science et à la technologie: il y a un désir toujours plus grand de voir émerger de nouvelles possibilités, mais à quel prix? Interagir avec les robots d’I.C.U., c’est plonger dans un univers de science-fiction et s’interroger: est-ce que ces corps mécaniques seront un jour les nôtres? Une fois «guéris» seront-ils de nouveau à notre service? Nous appartiennent-ils seulement ou sont-ils indépendants de l’humain? L’installation prend réellement le dessus sur le spectateur, il serait difficile de passer à côté sans en être bouleversé d’une quelconque manière.

 

Dans sa biographie, Bill Vorn indique que ses recherches sur la vie artificielle se font à travers «une démarche artistique basée sur l'esthétique des comportements artificiels[2]». Depuis plus de 25 ans, il œuvre dans le domaine de l’art robotique sur la scène internationale. Il a présenté des installations comme Copacabana Machine Sex, où des robots offrent une performance musicale et burlesque, DSM-IV mettant en scène des robots qui présentent des troubles de santé mentale et la Mega Hysterical Machine impliquant un immense robot avec huit bras accrochés au plafond. En créant des œuvres interactives, l’artiste souhaite provoquer une émotion chez le public, de l’empathie, voire déclencher une relation plus profonde entre la technologie et les êtres humains. Cette pratique artistique, qui est encore très rare pour le moment, promet d’être importante dans un avenir proche où les sociétés devront entamer des discussions concernant les relations entre intelligence artificielle, robots et êtres humains.

 


[1] Elektra, Elektra Montréal, en ligne, < https://www.elektramontreal.ca/biennale2021?lang=fr>

[2] Vorn, Bill, Bill Vorn – Robotique, en ligne, <https://billvorn.concordia.ca/menuallF.html>

Pour citer: 

Lemieux-Cloutier, Eve (2022). I.C.U. (Intensive Care Unit) par Bill Vorn [Entrée de carnet]. Dans Bertrand Gervais (dir.) et Vincent Lavoie (dir.), Explorations en culture numérique. archiverlepresent.org. https://archiverlepresent.org/entree-de-carnet/icu-intensive-care-unit-p....

Auteur·e·s (Encodage): 
Lemieux-Cloutier, Eve
Fiche de la collection

The Telegarden, codirigé par Ken Goldberg et Joseph Santarromana, consiste en un site internet permettant de contrôler et d’observer à distance un jardin supervisé par un bras robotisé.

Fiche de la collection

En 2014 à une conférence de TED (Technology, Entertainment, Design) à Vancouver les artistes Lauren Lee McCarthy et Kyle McDonald installent leur œuvre Social Soul.